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MOYEN-ÂGE. 

En 1995, la vie parisienne, le bon voisinage et la chorale ont permis à Marie Duquesnay et Valéry Dekowski de rencontrer de nombreux artistes et personnes travaillant dans le secteur de l’art contemporain. Des gens de lettres aussi, car il y avait un filon hypokhâgne dans la chorale… Valéry continuant ses activités de créations théâtrales avec les Valises en Normandie, il sembla assez évident pour toute la tribu qu’il fallait créer une association pour monter d’abord une petite exposition d’Alexa Kreissl et Daniel Kerber (les voisins diplômés de l’École d’Art de Cergy) puis une exposition pluridisciplinaire thématique en Normandie. Ce fut Monstres et Superstitions, une exposition d’arts ouverte sur deux jours qui occupait deux étages du magnifique château médiéval de Creully. L’immense salle voûtée du premier niveau contenait une cinquantaine d’œuvres de l’artiste plasticien Francesco Giardina qui suscitèrent l’admiration. L’exposition remporta un franc succès. Plus de 2000 personnes la parcoururent sur le week-end. Ce triomphe fut le point de départ de la professionnalisation d’Amavada. Il y eut, deux ans après, sous la même forme, La bouche et la marmite qui reçut le même succès et qui présentait encore plus de disciplines et d’artistes (danse, théâtre, art contemporain).

En 1999, certaines Valises de la première génération sont partis faire une école de Théâtre à Agen et il reviennent l’été en Normandie (Rodolphe Dekowski, Nathanaël Frérot, …). C’est ainsi que l’envie de créer des spectacles estivaux naquit. La première édition eut lieu à la campagne à Pont des Vers et regroupa une quinzaine d’amateurs et semi-pros. Et ce fut la première version d’Héliogabale au bord de l’eau. Notons qu’en 1999, il était prévu une éclipse de soleil en pleine été. Nous avons donc programmé le spectacle pour qu’au moment où l’empereur Héliogabale qui se prenait pour le Dieu du soleil se faisait lyncher par la populace, le vrai soleil disparaisse. La sensation fut incroyablement étrange comme à chaque fois que la fiction et la réalité entrent en collision. Comme vous le constaterez par la suite, cela arriva de nombreuses fois lors des stages d’été. La première aussi fut rocambolesque. En effet, nous avions prévu de jouer dans les carrières de Feuguerolles-Bully. Évidemment, sans prévenir personne, nous sommes venus recaler quelques petites choses trois jours avant. Tout se passait bien, même si quelque fois nous nous sommes sentis observés. Il faut préciser que les acteurs-trices jouaient dans un costume minimaliste. Tout le monde arborait dignement de simples sous-vêtements. Le jour J, nous avions donné rendez-vous au public sur la place centrale du village puis la caravane s’est rendue sur site. C’était sans compter sur la délation d’un voisin. L’arrivée des gendarmes nous a un peu rappelé le premier opus du Gendarme de Saint-Tropez dans lequel Louis de Funès est aux prises avec des nudistes. Il fallut donc emmener le public à quarante kilomètres de là sur notre lieu de répétition près de Pont-d’Ouilly. De bonne composition, les spectateurs obtempérèrent et nous suivirent. La représentation fut dantesque car la nuit tomba puis la pluie et ces intempéries cadraient parfaitement avec le sujet tragique de la pièce. Perdus au milieu des champs en Suisse normande, en pleine nuit et sous la pluie, le public trouva refuge à l’issue du spectacle dans une petite maison, réconfortés par une bonne tisane et quelques serviettes-éponge. Pas sûr que tout le monde réussit à rentrer chez lui ce fameux soir.

L’année 2000 fut une année charnière, car suite au succès de l’exposition La bouche et la marmite, Marie quitta La Galerie des filles du calvaire dans laquelle elle travaillait depuis plusieurs années (cela nous permit de rencontrer de nombreux artistes et de travailler plus tard avec eux (Zwy Milshtein, Sylvain Solaro, Mireille Loup, Gilles Pennaneach…) pour tenter l’aventure d’Amavada en Normandie dans un lieu aux normes d’accueil public proposé par une riche personne du Bessin (Monique de La Gontrie). Cette riche héritière du Douet de Chouain (près de Bayeux) nous laisserait l’usufruit d’un corps de ferme entièrement réaménagé en échange du gardiennage du lieu et de la tonte des quatre terrains de croquet et du terrain de foot adjacent. Marie et Valéry s’installèrent dans cette ferme et l’association fit deux expos, un stage d’été (Les Mains sous le menton - première version) et une assemblée générale avant de réaliser que la propriétaire des lieux, certainement nostalgique de l’ancien régime considérait les gardiens de son « Espace-expos » comme ses esclaves et venait les harceler quotidiennement, surgissant sans prévenir dans leur salon ou déplaçant, seule, un énorme  barbecue qui n’était pas exactement à l’endroit qu’il fallait. L’affaire a failli se terminer en crime de sang une nuit de janvier 2001 dans la masure de cette vieille-nobliotte-fin-de-race. Marie et Valéry déménagèrent en urgence et toute l’association se mobilisa pour dégager le matériel et les œuvres du lieu maudit.

 

Valéry trouva du boulot en contactant Olivier Lopez qu’il avait rencontré quelques années auparavant grâce à Christian Geffroy (un vieux pote de Malherbe aujourd’hui metteur en scène en Suisse). Olivier qui venait de prendre la direction de l’ACTEA lui confia la direction d’un atelier de création pour adultes amateurs. Cela dura 5 ou 6 ans et nombreux spectacles écrits par Alice Barbier furent monter dans ce cadre. L’atelier était très prisé et les groupes étaient souvent conséquents (jusqu’à 22 inscrits).

Galerie photo

Nous jouâmes :

  •  La boîte à 4 compartiments (Alice Barbier) 2001

  •  La femme qui… (V.D.) 2001

  • Racle-Bottes et Planche-Pourrie (Alice Barbier) 2002

  • La Tunique du panda (Alice Barbier) 2003

  • Shake dog Shake (V.D.) 200

  • Le Chant du chien (Zwy Milshtein) 2005

En 2001, Amavada vend son premier spectacle professionnel au Cinéma LUX. Il s’agit du premier épisode d’une série de fameux spectacles pour enfants impliquant un personnage de Loup reporter zozotant créé par Rodolphe Dekowski : Loupion. Il y eut 5 épisodes de Loupion (Loupion chez les Monstres, La hotte du Père Loupion, Loupion contre Ratsion, La Rage de Loupion, Loupion et l’énorme Chapon roux). Tous furent joués au Lux, mais il y eut aussi plusieurs représentations à l’occasion de Caen Soirs d’Été et dans des écoles. 

 

En 2001, Amavada part à l’aventure dans un squat parisien installé dans l’ancienne Rue Blanche installée elle-même dans l’historique Théâtre du Grand-Guignol. Il fallait redonner à ce lieu la chance de revivre pour la dernière fois peut-être les émotions procurées par un style de Théâtre très particulier qui a défrayé la chronique à Paris de 1896 à 1963. Un Théâtre d’épouvante populaire, tragique, sexy, gore, effrayant ou drôle qu’Amavada a pris un malin plaisir à mettre en scène plusieurs fois au cours de son histoire. En l’occurrence, trois spectacles étaient joués par une quinzaine d’acteurs tous volontaires et bénévoles. Une pièce du répertoire : Sabotage, une comédie d’Alice Barbier : Langue de bœuf sauce piquante, et un drame de V.D. : Acharnement. Les deux soirées furent un succès. Les 250 places qu’offrait la salle étaient réservées sans avoir fait tellement de publicité. Nous dormions sur place dans ce lieu marqué par le mystère, le sexe et le sang. Chaque soir, après les répétitions ou les représentations nous rangions la tête de veau entière qui nous servait d’accessoire sur le toit du Théâtre car aucun frigo n’était assez grand pour la contenir. Pour la dernière représentation, il faut bien admettre que l’odeur était à la limite du soutenable. Nous dormions dans une salle annexe du Théâtre dont le sol était couvert de fourrure. Certains d’entre nous se grattèrent dans la journée et nous découvrîmes que des puces étaient nos colocataires nocturnes. La comédienne Marine Mangane se cassa une côte en tombant et des spectateurs outrés nous ont engueulé après le spectacle en prétendant qu’ils avaient eu la peur de leur vie en remarquant que Rodolphe n’utilisait par un couteau à lame rétractable pour tuer toute sa famille. Valéry leur a expliqué que c’était justement l’effet escompté mais ça ne les a pas calmés.

 

En 2001, Gérard Houssin, directeur du service « Animations et fêtes populaires » de la ville de Caen confie à Amavada, l’organisation et la programmation de l’événement « A Caen, la paix » à la Colline aux oiseaux. Chaque quartier de Caen devait présenter le travail effectuer avec un artiste ou une compagnie locale au cours de l’année. Le festival « A Caen la paix » avait été très important pour les habitants de la Ville et tout le monde savait que ça sentait le sapin. Pour de multiples mauvaises raisons, il n’y aurait sûrement plus beaucoup d’éditions et pas mal de gens semblaient le regretter. Qu’à cela ne tienne, Amavada s’est jeté corps et âme dans le projet. Nous avons programmé des groupes de musique et des spectacles de rue. Nous avons organisé les présentations des œuvres des quartiers. Une troupe de comédiens, costumés en oiseaux et en femmes-cages présentaient les spectacles et les expos tout en jouant des scènes irrévérencieuses. Les plasticiens Etienne Fleury, Marion Chopin et Benoît Sicat ont créé une signalétique géniale sur la colline. Nous avons notamment créé un nid géant perché tout en haut de la Colline. Nous étions nombreux sur le coup et tous armés de vélos et de talkie pour que tout le gros bazar se déroule avec maestria aidé en cela par P.A. Goursolas le régisseur du service municipal. Notons que nous avions proposé une opération participative novatrice pour l’époque. L’idée était que dès le matin les visiteurs de l’exposition préparent une soupe géante encadrés par des chefs étoilés (Michel Bruneau et Yvan Vautier). Nous récupérions les légumes et les gens devaient les éplucher et les cuisiner selon la recette des chefs. En fin de journée, les bols de soupe délicieuse étaient distribués gratuitement à tous les spectateurs qui s’extasiaient devant le dernier concert de la journée. En consommant ce repas vegan, je me souviens de Gérard Houssin se levant euphorique, brandissant son bol de soupe comme un pirate sa bière dans une taverne et hurlant à qui voulait l’entendre : « Longue vie à Amavada !!! ». Son vœu fut exaucé !

 

L’été 2001 vit le retour de la troupe en Suisse Normande avec un nouveau spectacle en forme de récit d’exploration délirant : La Grosse quête de Douglas Gleen. Victor Dekowski, qui venait de naître joua à cette occasion son premier rôle en tant que fils du héros-explorateur. Douglas Gleen fut joué par Nathanaël Frérot. Celui-ci quittait sa famille au début du spectacle pour découvrir la chanson originelle dans un territoire inconnu. Le public quant à lui devait le suivre en jouant le rôle des sherpas de l’expédition. Notons que c’est dans ce spectacle que l’on a pu admirer la performance de Benoît Viquesnel (Monsieur Mandarine) dans le rôle de Rahan. Il subsiste des photos qui prouvent que la ressemblance était confondante si l’on n’est pas trop regardant sur le développement musculaire.

 

Tous ces spectacles furent réalisés avec les moyens du bord ou des décors de récupération. L’utilisation des cubes empruntés au Lycée furent extrêmement fréquents et parfois il n’y avait pas de décors du tout. Dans La Tunique du panda, tous les acteurs jouaient en base noire et quand ils n’étaient pas dans la scène ils jouaient les tables, les chaises, les guéridons. Dans La boîte à quatre compartiments, nous avions réunis plusieurs dizaines de pneus de toutes tailles (dont des pneus de tracteurs impressionnants) et ces derniers servaient à tout. C’est dans ces années-là que Valéry rencontra Tramber Regard au Crystal Bar. Ils ne s’étaient jamais croisés et Tramber vit comme un signe du destin que Valéry porte les mêmes lunettes que Le Docteur Cornélius (Héros de Gustave Lerouge adulé par notre vieille Trambaze). A partir de ce moment, il y eut parfois des scénographies dans les spectacles d’Amavada, et notamment dans Pierre, pierre… Pierre ? spectacle métaphysique de science-fiction de Nicoso et V.D. Les costumes de Stéphanie Burkhardt, le décor et l’accessoirie de Tramber, les lumières de Fred Hocké, le jeu et l’implication des comédiens (Gaëlle Camus, Rodolphe Dekowski, Elise Dubos, Armelle Gouget, Alexandre Letondeur et Mathieu Ribet). Tout était top mais cela n’a intéressé personne. Nous n’étions résolument pas à la mode. Dommage que tout ce travail effectué n’ait pas bénéficié à un public plus large. Nous n’avons joué que 4 ou 5 fois au 2bis rue de l’union. Quelques dizaines de privilégiés s’en souviennent encore. Mais il était scellé qu’Amavada ne serait pas une compagnie de Théâtre professionnelle. La pluridisciplinarité et le décloisonnement amateur-professionnel allaient être nos chevaux de bataille. La création dans toute sa splendeur !!!

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